Température de l'eau annoncée à 23-24°C. Connaissant mes aptitudes à vite surchauffer dans une combinaison néoprène, je décide sans l'ombre d'un doute de nager en simple maillot de bain.
Au vestiaire, j'entends des échanges sur quelques méduses qui auraient été aperçues la veille, mais stagnant à 2-3 mètres de profondeur elles n'ont pas gêné les nageurs.
A l'embarquement, le bateau qui vient nous chercher revient du Chateau d'If où il a déposé des nageurs du 5km (1ère vague), dont le départ est 1h avant le 6km (2ème vague). 4 nageurs descendent de ce bateau, ils nous informent qu'il y a des méduses autour du château et qu'ils n'ont pas souhaité prendre le départ. Bon ... la présence de méduses se confirme.
Le bateau se remplit et part pour le Chateau d'If. Lorsque le bateau manœuvre pour accoster, je distingue 2 méduses proches du quai.
Une fois les 2 autres bateaux arrivés, le briefing commence et nous est annoncée la présence de méduses. Globalement le message était le suivant : il y a des méduses par endroit, pas partout ; ceux qui préfèrent ne pas prendre le départ peuvent remonter dans le bateau encore à quai, l'organisation prenant à sa charge le remboursement de la course.
Je ne prends pas le temps de regarder si certains remontent dans le bateau, je préfère rapidement me mettre à l'eau pour m'acclimater à la température de l'eau car l'attente même à l'ombre du château a fait chauffer les corps. L'eau est effectivement bien bonne et plutôt calme; cristalline, je vois plein de poissons et ... quelques méduses facilement évitables.
Tout le monde se rapproche des bouées matérialisant la ligne de départ, coup de corne de brume, c'est parti.
Je me trouve rapidement pris dans un groupe très compact, beaucoup de coups (involontaires) échangés, impossible de m'en défaire. A ce moment là, je veille surtout à ne pas me prendre un coup de pied dans le nez. Et au bout de quelques centaines de mètres, alors que je ne contrôle pas vraiment ma trajectoire du fait du groupe (nous partons trop à droite malgré les kayaks qui tentent de nous remettre dans le droit chemin), l'enfer commence ...
... grosse sensation de brûlure sur l'épaule gauche ... je connais cette douleur, c'est une méduse ... je relève la tête ... DES MEDUSES ... PARTOUT ... digne d'un film d'horreur, sur le fond noir de l'eau à cet endroit du parcours, des méduses apparaissent en quantité inimaginable, navigant entre 1 mètre et la surface, juste pour nous quoi ! J'entends des gens crier, de peur et/ou de douleur, je percute des nageurs qui s'arrêtent net devant moi, et me fais percuter pas ceux qui me succèdent. A gauche, à droite, des méduses tout autour de moi et des nageurs qui paniquent ! Au milieu de ce banc de méduses, je sens bien que je panique aussi, ma hantise en mer ce sont justement ces bêtes là, mais la pensée qui prend le dessus est de sortir au plus vite de cette mer**. Donc pas le choix je me remets à nager fort sur les bras et avec beaucoup de jambes, en priant intérieurement "pas le visage, pas le visage". Et là j'enchaine les piqûres : 1 sur le flanc droit ... puis une grosse sur la cuisse gauche ... encore à gauche cette fois au niveau du poignet, j'ai l'impression d'avoir une tentacule coincée dans le bracelet de ma montre tellement ça brûle... toujours plein de méduses devant moi, il faut continuer d'avancer mais je sais que je vais m'en reprendre et je m'y prépare mentalement ... ça y est, ça taillade à nouveau, piqûre au flanc droit puis à la cuisse droite ... ça brûle de partout. Finalement, sans trop être capable de dire combien de temps ça a duré, je constate être sorti du banc.
Adrénaline, peur, douleur, crispation, sacré cocktail qui enfume un peu mon esprit et mon corps. J'en reste pas moins conscient que ma respiration n'est vraiment pas top, que ma trajectoire non plus d'ailleurs, et que j'ai des débuts de crampes dans les jambes. J'essaye de me relâcher, de reposer ma nage avec une respiration 3 temps, mais c'est très dur avec tout ce que j'ai donné dans ce banc de méduses. D'ailleurs, est ce que c'est fini les méduses, ou est ce que ce n'était que le premier acte ?
Arrive la première bouée de virage au niveau du rocher des pendus ... à presque 150° ... retournons nous droit dans les méduses ? Mais ce segment pour aller passer entre les iles d'Endoume et Gaby se fait face à une bonne houle. Le vent s'est levé, et la houle avec. Je me concentre sur ma nage, ça me fait oublier les méduses. J'essaye d'augmenter la cadence de bras pour moins subir les vagues, j'y arrive un temps mais l'épisode méduses m'a bien entamé. Les vagues rendent difficile l'orientation, car je ne vois pas les bouées au loin. Pas le choix que de suivre bêtement les nageurs devant moi. J'en suis un, mais je constate qu'il est autant perdu que moi, et qu'il confond certaines bouées de signalisation avec celles de notre course ... bref on zigzague. Je passe entre les iles et commence le suivi de la côte. Je sens un petit coup de fatigue, j'avale le gel que j'avais glissé dans mon maillot. Psychologique ou pas, ça me rebooste un peu et j'arrive à reprendre un rythme de nage un peu plus soutenu. Côté brûlures des méduses, je sens toujours bien celle de l'épaule gauche et du poignet, ces 2 zones passant régulièrement à l'air. Je sens également celle de la cuisse gauche, comme si je m'étais pris une "béquille". Pour les autres qui restent immergées, l'eau de mer a fait son effet et a estompé la douleur. Je reste toutefois en alerte, mon placement de la tête n'est donc pas optimal du tout car je scrute beaucoup devant moi avec la crainte de voir réapparaitre de nouvelles méduses.
Sur cette phase, la houle est moins gênantes pour la nage, mais elle me fait régulièrement dévier vers la côte. Je dois en permanence corriger ma trajectoire grâce aux kayaks qui nous encadrent, car je ne vois les bouées que très tardivement à cause des vagues. Ce n'est également qu'au passage des portes que je retrouve d'autres nageurs, entre les portes on a tendances à s'écarter les uns des autres. Mais plus on se rapproche du dernier virage, et plus les trajectoires convergent. C'est alors que je me retrouve au côté d'un autre nageur, il a un rythme qui me convient bien ; je me dis que je vais rester avec lui jusqu'au virage, et que j'essaierai de le lâcher sur le dernier sprint. Lui ne l'a pas envisagé comme ça : je sens qu'il commence à changer de rythme, et à la vue de la bouée du dernier virage il met une bonne accélération ... je ne le reverrai plus.
A l'approche de la dernière bouée, je percute une nageuse complètement à contre sens. Le dernier virage étant à près de 170°, elle a du dévier dans son sprint final ... entre la fatigue et les vagues, c'est compliqué pour tout le monde. A mon tour je fais mon dernier virage et sprinte vers l'arrivée. J'aperçois des nageurs loin devant moi donc peu de chance de les rattraper ; je ne sais pas si d'autres me talonnent, alors j'essaie quand même de garder une bonne vitesse pour ne pas me faire dépasser. Je passe enfin sous l'arche, et bipe mon bracelet pour en finir avec cette édition. Au final, je n'aurai pas recroisé de méduses après l'épisode du banc au départ.
Une fois sorti, je constate une longue file d'attente au poste de secours propre à l'organisation ; beaucoup de nageurs couverts à divers endroits de mousse à raser ... ça a l'air d'être le traitement adopté ici. Mes 6 piqûres me brûlent, mais c'est tolérable, du coup je passe mon tour et laisse ma place à plus nécessiteux.
Toute le reste de la journée, je comparerais mes douleurs à celles de piqûres d'orties : désagréables, mais rien d'insupportable. Et à l'heure où j'écris ces lignes, traces toujours visibles sur la peau, aucune douleur mais zones encore sensibles au toucher.
Voilà, j'ai coché la case "banc de méduses" ... si Dame Nature peut m'éviter de le revivre, je suis preneur. Mais bon, c'est ça aussi l'eau libre, ça change du chlore et des petits carreaux.

EDIT : une des nombreuses vidéos qu'on peut trouver sur le net : https://www.instagram.com/reel/CfQ6TELFM8S