Cependant, face à ce qui serait donc un délit, pas de plainte, de courrier ou même d’appel à mon éditeur. Non, cet auteur s’exprime dans des posts sur les réseaux sociaux où il remercie ceux qui ont postés des commentaires « client » négatifs sur Amazon et la Fnac au sujet de mon livre. Une façon de faire qui m’échappe mais qui, tout comme le crawl, est probablement très moderne.
Il y avait pourtant bien d'autres moyens de défendre son ouvrage et de créer un débat de qualité. Voici quelques idées, en espérant que cela vous intéresse, vous.
Les choix techniques
Je me suis livré à une petite comparaison entre les deux livres et il y avait pourtant matière à débat.
1. La respiration
J’écris que je suis contre la consigne, présente dans son livre, demandant aux nageurs débutants de respirer tous les trois mouvements et je pense même que c’est un très mauvais conseil. Avec les vidéos des stages, j’ai vu que les défauts de respiration étaient extrêmement communs et concernaient des nageurs de tous niveaux. Or, souvent, le pratiquant a reçu cette consigne du 3 temps. Et elle paraît en effet tout à fait illogique puisque qu’on demande à un nageur d’inspirer, quoi qu’il se passe, au 3ème mouvement alors qu’il devrait se concentrer sur l’expiration. Et souvent, quelqu’un qui débute n’a pas le temps ou le contrôle nécessaire pour expirer complètement avant ce 3ème mouvement. Du reste, même pour un nageur confirmé, la fréquence des inspirations doit s’adapter à l’intensité et à la durée de l’effort.
2. Le catch
Voici une illustration de chaque livre.
Image du livre Nager un crawl efficace.
Image du livre Le guide du crawl moderne
Il y a beaucoup de nageurs qui pensent devoir adopter le mouvement de la deuxième image avec le bras qui reste très près de la surface. Le problème que j’ai identifié est qu’avec un tel mouvement, l’épaule est à la limite de sa mobilité. Pour un nageur de très haut niveau qui est très souple, ça peut ne pas poser de problème, mais pour un nageur lambda, cela entraîne très souvent un manque de force et surtout un mauvais placement de l’épaule (comme c’est le cas d’ailleurs sur le dessin !) qui augmente le risque de blessure. Je préconise donc une prise d'appui plus en profondeur.
3. La coordination des mouvements de bras.
Tous les nageurs que je rencontre, qui ont commencé la natation à 35/40 ans (ou plus) et qui ont réussi à atteindre un très bon niveau en autodidacte utilisent le semi-rattrapé avec un battement de jambes limité. A l’inverse, beaucoup de nageurs utilisant le crawl en opposition sont dans un cul de sac technique car c’est une coordination plus complexe à mettre en place. Je n’allais donc pas écrire comme il le fait que le crawl en semi-rattrapé (ou FQS si on veut absolument utiliser les sigles anglo-saxons) est plutôt destiné aux nageurs grands ou forts en jambes.
4. Faire des jambes
Il écrit à deux reprises « Pour être bon en jambes, il faut aligner les longueurs en battements ». Encore une fois, je ne suis absolument pas d’accord. Vous pouvez lire cet article.
Une construction différente
Élargissons un peu le sujet. On peut écrire un livre technique de deux façons :
- Soit on adopte une vision descriptive en expliquant comment on fait un mouvement de bras, comment on fait un mouvement de jambes, etc.
- Soit on propose une méthode, c’est-à-dire qu’on essaie de donner une procédure (un mode d’emploi) au lecteur pour progresser.
Pour le livre "Nager un crawl efficace", les 11 étapes que vous avez au début du livre constituent le cœur de cette méthode. Je me suis forcé à n’y intégrer que des conseils qui répondent aux deux conditions suivantes :
1. Il fallait que sur les vidéos que nous réalisons en début de stage, les nageurs qui appliquent ce conseil aient un avantage par rapport à ceux qui ne l’appliquent pas.
2. Il fallait que nous-mêmes, entraîneurs à Natation pour tous, nous ayons pu mettre en place ce conseil avec des nageurs pendant les 12 heures du stage et qu’ils aient pu en tirer une amélioration.
Respecter ces deux principes demande une certaine discipline mais je crois que cela évite de donner des conseils hasardeux, « mystiques » ou qui concernent des détails qui seraient tout à fait mineurs dans votre nage. N’oubliez pas, chers lecteurs, qu’il vous faudra au minimum plusieurs semaines pour automatiser n’importe quelle transformation dans votre nage. Vous devez donc toujours aller à l’essentiel.
A partir de là, on peut discuter de l'ordre des étapes et même des points qui sont absents du livre puisqu'il s'agit alors d'un choix réfléchi.
Un exemple très concret : tous les nageurs que nous avons reçus en stage et qui maîtrisent les 4 premières étapes de la progression du livre, nagent aisément en crawl avec une allure moyenne inférieure à 2 min/100 mètres. J'écris donc que si ce n'est pas votre cas, votre priorité technique est forcément dans les 4 premières étapes et qu'il est inutile de complexifier inutilement la technique. Cela va, j'imagine à l'encontre des principes du livre de Solarberg puisque ce résultat sera donc atteint en semi-rattrapé et sans prêter attention au catch (voir ci-dessus). Voilà un point qui aurait encore une fois pu faire débat.
Précision supplémentaire pour les lecteurs : la partie Questions/Réponses des livres Nager un crawl/une brasse/un papillon efficaces permet de retrouver une part exhaustivité mais il faut la voir comme une annexe. Elle représente 15 pages pour le crawl mais ce sont des points qui sont plus personnels (une difficulté rencontrée par certaines personnes mais pas par d’autres), ou plus hypothétiques (dans le sens où la question n’est pas tranchée), ou encore historiques. Cette construction en deux parties permet justement de séparer les points essentiels des questions annexes.
Concurrence ? Débats ?
Il y a plus d'un million de nageurs réguliers en France. Face à cela, les publications francophones (sites, livres, vidéos) restent peu nombreuses. J'ai donc toujours considéré qu'il n'y avait pas lieu de se lancer dans une guerre concurrentielle et c'est pour cela que cet auteur a été le bienvenu ici pendant plusieurs années. C'est bien qu'il y ait plusieurs façons d'écrire ou d'illustrer, ce sont des aspects que chaque lecteur appréciera.
Sur le fond, le débat peut être très positif. Les livres "Nager efficace", ont été écrits dans la continuité des "stages Natation pour tous" qui ont été un grand succès et une riche expérience. Dans les livres, il y tous les conseils que l’on donne en stage, c’est donc un partage des observations et idées que j'ai développés avec mon équipe. En même temps, ce travail est destiné à être critiqué et c'est cette critique peut permettre d'avancer.
Je ne sais pas pourquoi mais, en natation, il semble que cette idée soit compliquée à mettre en oeuvre. En tout cas, s'il n'y a pas un débat de qualité avec cet auteur, tant pis ! C'est vous, par vos retours et vos questionnements, qui allez faire faire avancer les choses et éventuellement entraîner des remises en question comme c'est le cas depuis 10 ans sur ce site internet.